Accueil Clu7.fr
  |  Accueil - Carnets  |   Photos  |   Projet/Bateau/Equipage  |  Actus  |  Contact   
    9. Traversée des Canaries au Cap-Vert
28 novembre au 3 décembre 2007
 
    <- Carnet précédent - Carnet suivant ->  
Rubrique Carnets
Voir l'itinéraire parcouru
Juste après
Découverte de...
 
1er jour - Départ mercredi 28 novembre à 11h - 1er quart de Juliette

Nous partons enfin pour le Cap-Vert. Il était temps, nous commencions à piétiner à La Restinga. Et puis il est connu que beaucoup arrêtent leur voyage aux Canaries: problème technique, divorce (!), peur de la suite moins balisée, etc... Alors il est important pour nous d'avoir passé cet "écueil", par ailleurs le dernier bastion européen avant la grande traversée de l'Atlantique!

Nous partons sereins, accompagnés par les D'un B, pour une durée de 5 à 7 jours, soit à peu près l'équivalent de la traversée Gibraltar - Madère. Et la météo est bonne: nous devrions manquer un peu de vent au début, mais il doit monter juste ce qu'il faut après, tout au portant.


Le rendez-vous quotidien avec les D'un B     


Le frigo et les placards sont pleins (nous ne devrions pas trouver grand chose au Cap-Vert), ainsi que les réservoirs, les bidons d'eau et de carburants (gasoil pour le moteur, essence pour le groupe électrogène et le moteur de l'annexe), et les bouteilles de gaz (pour la cuisine).

Cette première journée se passe encore plus calmement que prévu. De 15 nœuds au départ, nous descendons rapidement à 3-4 nœuds... nous mettons donc le moteur :-(.

Nous établissons les quarts avec quelques modifications:

- 20h30 - 23h30 : JP
- 23h30 - 02h30 : Carole
- 02h30 - 05h00 : JP
- 05h00 - 07h30 (heure du réveil de Fleur): Carole

Et comme la météo le permet (largement!), Juliette fait son premier quart, avec son papa, de 20h à 21h. Il fait nuit noire et l'air est frais, ils mettent vestes de quart et harnais.


2ème jour - jeudi 29 novembre - 1er quart Marin - Dauphins - Grain - 1km de fil

Finalement, Fleur ne sonne pas la fin de mon quart (elle dormira jusqu'à 9h30, bercée par le ronron du moteur...). C'est donc avec Juliette et Marin, très fiers tous les 2 de porter le harnais, que se termine ce quart. Les yeux bouffis, nous assistons ensemble au lever du soleil.

Dans la matinée, nous croisons une barge pétrolière, énorme engin flottant. C'est le seul "bateau" aperçu depuis le départ. Ce manque d'animation rend les quarts encore plus difficiles: sans rien à surveiller, nous somnolons le plus souvent, réveillés toutes les 12 minutes par la sonnerie du réveil... pourquoi 12? Un peu comme ça... c'est presque 10, mais on gagne un coup sur une heure!!


           

    Alors, ils sont où ces dauphins?

Dans l'après-midi, nous apercevons un groupe de dauphins qui accompagnera les D'un B pendant 10 bonnes minutes.

Nous passons toute la journée au moteur.

Nous avons droit à un grain en fin d'après-midi : le vent monte en rafales à 30 nœuds, accompagné de pluie et de grosses vagues. Le vent arrière fait rentrer la pluie dans le carré. Nous fermons et attendons que ça passe, en espérant que le pilote veille au grain et ne décroche pas. JP ne remonte pas la traîne, parce que "ça ne serait pas de chance que ça morde juste à ce moment-là!" (et aussi parce que les D'un B ont pris un thon cet après-midi!...)

Bien sûr, quand nous ressortons 20mn plus tard, toute la bobine de fil est déroulée: 1 km de fil à remonter!

JP passe plus de 3 heures et donc tout son quart, à rembobiner: 1 km à la main, ça use, ça use, 1 km à la main, la prochaine fois je s'rai plus malin!...

[Note de JP : le pire, c'est qu'après avoir lutté 20cm par 20cm pour ramener ce fil tendu comme un arc (impossible d'utiliser la manivelle), je découvre que cette tension n'est finalement due qu'à un morceau de filet de pêche pris dans le leurre... Mais ouf, la ligne n'est pas cassée, et nous allons donc pouvoir continuer à manger 1 poisson par mois! :-) ]

Dans la soirée, nous avons droit à 1 heure à la voile, pendant laquelle nous profitons du calme apporté par l'arrêt du moteur.

Puis le vent retombe et c'est donc au moteur que nous passons la nuit.


3ème jour - vendredi 30 novembre - 1er quart Philippine et Domitille - EMT - Enfin du vent - Mer forte

C'est aujourd'hui au tour de Philippine et Domitille de me rejoindre à leur réveil pour me prêter main forte pendant la dernière heure de mon quart.

Elles sont elles aussi très fières de cette nouvelle responsabilité!

La journée est calme. Pas assez de vent jusqu'en fin d'après-midi.

Ateliers "nœuds" avec Papa et "couture" avec Maman, avec notamment la confection d'un drapeau cap-verdien (à partir d'un drapeau de signal appelé "Charlie", dont l'utilité m'échappe!), sur lequel je couds les 10 étoiles jaunes, dessinées et découpées par Juliette dans l'un de nos 2 fanions jaunes (signifiant ceux-là "formalités de douanes à accomplir")', étoiles représentant les 10 îles de l'archipel cap-verdien.
Bon, il n'est pas super, mais à 10m et balloté par le vent, il fait son petit effet!


A partir de 18h, nous arrêtons le moteur et pouvons enfin sortir le génois.

Le vent monte ensuite régulièrement et se stabilise finalement à 20-25 nœuds. La mer devient vite forte avec des creux de 4 à 5m.

Nous passons la nuit avec 2 ris dans le génois et la GV affalée, et avançons quand même à plus de 6 nœuds.



Le drapeau cap-verdien "made in Apache"     

Régulièrement embarqués par des déferlantes arrivant par 3/4 arrière, nous sommes très secoués et il est vraiment difficile de s'endormir, les abdominaux contractés en permanence pour essayer de rester en place, que ce soit assis ou allongé!

Pour le quart, la meilleure place est par terre dans le cockpit, recroquevillé entre les bancs et la barre : on est (un peu) mieux abrité du vent, on n'a pas peur de tomber plus bas, et ainsi coincé, on n'a pas besoin de lutter contre les effets de la houle et les abdos peuvent se reposer.


4ème jour - Samedi 1er décembre - Souris à bord!

Domitille a 4 ans 1/2 aujourd'hui. Elle y tient, c'est donc à elle que revient le plaisir d'ouvrir la première fenêtre du calendrier de l'Avent acheté à Hierro. Les autres trouvent bien sûr que "c'est pas juste, parce qu'elle aura tous ses ans 1/2 le 1er décembre"!

Tout le monde est très content parce que décembre, le mois de Noël, a commencé: ça veut dire que c'est bientôt!

Juliette, qui avait déjà perdu une dent hier, en perd encore une aujourd'hui! Espérons que ce ne soit pas le scorbut!?    ;-)
En tous cas, la petite souris ne manque pas de travail ces jours-ci!

Le vent monte à 25 nœuds. La mer est forte toute la journée, et nous subissons une houle croisée qui nous secoue en permanence.


Les enfants ne semblent pas trop réaliser le "danger": ils s'extasient devant la hauteur des vagues comme s'ils assistaient à un feu d'artifice : "Waouh, regarde celle-là"!

Ces conditions ne les gênent pas non plus dans leurs activités à l'intérieur: aujourd'hui la découverte d'une vieille pochette de papier calque dans ma "malle aux trésors" réussit à les canaliser un bon moment!

Mais ce qui est le plus surprenant, c'est que côté appétit, tout va bien aussi. Ce soir, ils réclament des croque-monsieur. Nous n'avons que du chorizo et un drôle de fromage de chèvre achetés à La Gomera. L'odeur dans le carré est à la limite du supportable et je sors régulièrement prendre un bol d'air frais. Eux se régalent et en redemandent!



Trop cool les vagues!                 

      Fleur ne tient plus en place!


Il n'y a que Fleur qui a pleuré toute la journée.
Comme elle est toujours intégralement au sein (même si elle commence à goûter à tout et aime beaucoup les fruits), je culpabilise un peu dans ces moments-là et me dis que je suis trop fatiguée pour lui donner assez de lait.
Mais je souhaite continuer jusqu'après la transat, pour limiter les risques avec l'eau douteuse que l'on trouve par ici.

C'est aussi plus dur pour elle parce que secoués comme nous le sommes, nous ne pouvons pas la laisser se promener à sa guise dans le bateau. Maintenant qu'elle sait sortir de sa chaise et monter sur la table, passer les pas de portes et se promener debout contre les cloisons, elle aimerait bien en profiter! Mais n'ayant pas assez de force pour se retenir, elle serait projetée violemment. Elle est donc condamnée ces jours-ci, quand elle ne dort pas, à rester dans les bras de sa maman, son papa ou ses frère et sœurs qui ne demandent pas mieux... pendant 5 minutes!


Cette nuit, le vent et la mer restent aussi forts.

A chaque fois qu'une vague déferle au moment de frapper l'arrière de la coque, un paquet d'eau inonde tout le cockpit, rendant la "meilleure place" bien moins confortable pour les quarts.


 Juste après avoir pris un paquet d'eau...

... la "meilleure place" est toute inondée!      


JP fait presque toute la nuit dehors pour nous permettre à Fleur et moi de nous reposer. Et j'avoue que ça marche, même, si je me lève régulièrement pour lui demander "Tu es sûr que tu ne veux pas aller te coucher?".


5ème jour - Dimanche 2 décembre

Toujours autant de vent et de mer, mais comme nous savons que nous arrivons le lendemain, nous sommes beaucoup plus détendus et réalisons que finalement, 6 jours dans ces conditions, ça passe vite!

Dans la nuit, JP a reçu un poisson-volant dans la figure. Au réveil, nous en retrouvons 4 sur le pont.

L'après-midi est consacré à la confection des décorations de Noël. Tous mes rouleaux de papier-alu y passent mais les enfants sont ravis et très sages!

Nous faisons tourner le moteur 1h le matin et 1h le soir pour recharger les batteries.


Atelier de Noël: tout le monde s'y met!      

6ème et dernier jour - Arrivée à 15 heures le lundi 3 décembre

Ce matin, nous retrouvons 7 poissons volants dans le bateau, et... un calmar -- entouré de son encre car écrasé dans la nuit lors d'une manœuvre de prise de ris.

La mer et le vent se sont calmés. Nous faisons ces dernières heures génois plein. La navigation est beaucoup plus agréable et le moral est excellent : nous sommes presqu'arrivés!

A 13h, Sal, l'île la plus au nord de l'archipel cap-verdien, est en vue. Nous ne l'apercevons que très tard, car elle est enveloppée d'un voile de sable et à part quelques monticules, elle est très plate et peu élevée.

Arrivés par le nord, nous contournons l'île par l'ouest pour rejoindre la baie de Palmeira, où nous espérons un bon mouillage.

Peu après avoir longé un monticule rocheux, nous subissons soudainement une brusque accélération du vent: passant de 15 nœuds à 30 nœuds. Heureusement, nous avions enroulé le génois en partie et n'avons qu'à terminer de le rentrer. Nous finissons les quelques milles restant au moteur.

Marin se charge de hisser notre pavillon cap-verdien!

 


Cette nuit la "pêche" a été bonne! ;-)       

Il y a beaucoup de voiliers au mouillage et la baie n'est pas du tout abritée par le vent venant de la terre, sans le moindre relief à cet endroit-là. Après 3 tours d'observation entre les voiliers, nous démarrons les manœuvres de mouillage... qui vont durer 1h! Ancre coincée dans un rocher par 3m de fond (avec 1m de marnage ça fait un peu juste pour 2m de tirant d'eau!), guindeau qui saute et libère 60 mètres de chaîne d'un coup... la fatigue se fait sentir et nous aurions vraiment mérité mieux!

En plein milieu des manœuvres, Fleur se réveille et se met à pleurer, puis Philippine nous demande, comme si c'était le moment, "on peut faire un gâteau au chocolat"? Et d'enchaîner après le refus "C'est pas juste, on n'a jamais de bons goûters!"

... Ah... on respire... "Pas de violence, c'est les vacances!", comme dirait Saturnin.

Enfin, après une dernière vérification sous l'eau de la tenue de l'ancre, nous pouvons enfin nous détendre: nous sommes arrivés à Sal après 5 jours et 4 heures de traversée.

Carole

  Haut de page <- Carnet précédent - Carnet suivant ->